Acte I- Tableau 3 - 1790-1974 Lieux éphémères et institutions durables

Publié le 14 avril 2025 à 17:49

Ascension du Palais Longchamp par le funambule Michel Menin lors du spectacle La Nuit du Soleil, conçu et réalisé par l'Atelier public d’arts, de sciences et de techniques de la MJC Corderie.

Le Palais Longchamp, édifié pour célébrer l’arrivée des eaux de la Durance à Marseille via le canal du même nom, a été conçu par l’architecte Henri-Jacques Espérandieu. Sa construction, commencée en 1862, s’est achevée en 1869 après sept années de travaux. Il fut inauguré le 14 août 1869 et ouvert au public le lendemain, le 15 août, jour de la fête de l’Empereur Napoléon III.

Le Palais abrite aujourd’hui deux musées, auparavant installés dans la chapelle des Bernardines : le Musée des Beaux-Arts dans son aile gauche, et le Muséum d’Histoire Naturelle dans son aile droite.

Un trio de théâtres

Au début de XIXe siècle, Marseille dispose de 2 théâtres l'ancien Théâtre Vacon construit dans les années 1830 sur la place appelée aujourd'hui place de Halles Delacroix et le Grand Théâtre, futur Opéra. Le premier consacré à la pantomime et au mélodrame et le second au lyrique et à la musique. Pour compléter ce panel un ancien acteur, Giraud Destinval décide de faire construire une salle pour le théâtre de texte et réunit des fonds par souscription. Le Théâtre Français est inauguré le 13 septembre 1804. Il est ainsi nommé pour marquer sa vocation pour la littérature. Son histoire est quelque peu chaotique, il est revendu aux enchères seulement quelques mois après son inauguration, près d'un directeur sur deux fait faillite. En1834, il prend le nom de Gymnase. Dans les années 1960 il connait des heures de gloire comme le music-hall le plus connu de province, on le compare à Bobino ou la Gaieté Lyrique de Paris. Il accueille ensuite le Centre Dramatique du Sud Est dirigé par Antoine Bourseiller qui cède la place à Marcel Maréchal en 1975. Finalement, après le départ de Marcel Maréchal à la Criée, il est racheté par la ville en 1983 et rénové grâce au mécénat d'un milliardaire américain. Plusieurs équipes de direction se succèdent, il est maintenant intégré au groupe Les Théâtres avec les salles aixoises du Grand Théâtre de Provence et du Jeu de Paume. De mai à décembre 1994 il a coordonné la venue de la Comédie Française à Marseille1.

 

Deux canaux qui irriguent aussi la culture

L'arrivée du Canal de Provence suscite le projet d'une construction monumentale pour symboliser l'arrivée de l'eau à Marseille. Par ailleurs, le Muséum et le Musée des Beaux-arts sont très à l'étroit dans la Chapelle des Bernardines. De cette conjonction nait l'idée d'adjoindre au monument symbolisant l'arrivée de l'eau des bâtiments pour accueillir ces deux musées2.

La Chapelle et le Couvent des Bernardines sont devenus propriétés nationales à la Révolution. Le couvent devient le 3e Lycée de France en 1802 et la chapelle accueille à leur création le Musée et l'école des Beaux-arts, le Muséum, la bibliothèque, le Musée d'archéologie3.

Par ailleurs, le percement du Canal de Suez qui transforme la ville et surtout son port en plateforme de réception et de transit des matières premières en provenance des colonies d'Afrique et d'Asie déclenche un intérêt particulier de Napoléon III pour la cité phocéenne qui connait un essor important sous le 2nd Empire. De grands travaux sont commandés : agrandissement du port vers le nord, percement de la rue de la République, construction de bâtiment cultuels et culturels remarquables en particulier le Palais Carli qui accueillera l'Ecole des Beaux-arts, le Conservatoire et la Bibliothèque.

Grandes institutions et initiatives privées

Fin XIXe et début XXe siècle, la politique culturelles se résume à la gestion de ces institutions : musées, archives, opéra, conservatoire, école des Beaux-arts et à l'attribution de quelques subventions. Simultanément, il y a une grande activité privée : un Cercle Artistique très actif dont un des animateurs est Jules Charles-Roux, la création de la Pastorale Maurel, les Revues marseillaises, le music-hall. Fin XIXe début XXe, la Canebière ressemble à Broadway. Marseille est aussi la capitale de la pantomime avec les mimes Debureau père et fils, Séverin Caffera puis Louis Rouffe. Au début du XXe siècle arrivent le cinéma puis le Jazz. Dans les années 30, on trouve la première compagnie de théâtre professionnelle : « Le rideau gris », pionnière de la décentralisation, puis l'arrivée de l'opérette marseillaise, et enfin, le cinéma et les studios de Marcel Pagnol.

 

1: https://fr.wikipedia.org/wiki/Théâtre_du_Gymnase_(Marseille)

2: Revue Marseille spécial Musées

3 Après un projet avorté en 1975 d'y créer un auditorium pour la conservatoire, la chapelle accueillera de 1987 à 2015 un projet de théâtre de création et de recherche débuté depuis quelques temp dans une autre chapelle dites des Saint-Anges dans le 8e Arrondissement.

Spectacle de la compagnie Transe Express devant le château Borély, à l’occasion du Carnaval 2004.

Construit à la fin du XVIIe siècle par la famille Borély, le château est cédé à la Ville de Marseille par son dernier propriétaire en échange d’un terrain dans le quartier des Chartreux. La municipalité y installe ensuite le musée d’archéologie, auparavant logé au couvent des Bernardines, devenu trop exigu pour accueillir la riche collection d’antiquités égyptiennes léguée par le docteur Clot-Bey. Ce fonds constitue aujourd’hui l’un des ensembles les plus importants de France, après celui du Louvre.

Concurrence, mercato et agitation, trois caractéristiques aujourd'hui méconnues

Dans un livret : « Causes de la décadence des théâtres à Marseille » publié en 1859 on découvre les éléments d'un procès entre les « Café chantants » et les théâtres. Les théâtres après s'être plaint de la libéralisation de leurs activités prononcés par l'Assemblé Constituante en 1791, mettant fin à l'interdiction de n'avoir qu'un seul théâtre par ville s'en prennent aux « Café chantants » comme le Casino, l'Alcazar, ou le Château des Fleur1,leur reprochant de ne pas payer la « perception des pauvres » créée pour « faire contribuer les plaisirs public au soulagement des malheureux ». Ainsi cette brochure fait l'inventaire d'un certain nombre de points de réglementation auxquelles les « Cafés chantants » échappent car ils tirent leurs revenus de la vente de consommations et non d'un droit d'entrée, ils ne respectent pas non plus la réglementation limitant le nombre de musiciens dans les orchestres ou la durée autorisée des tirades. Cette concurrence ne s'arrête pas là. En effet, il y a peu de tournée et les représentations sont données par des artistes résidents. Ces troupes permanentes faisaient l'objet d'une sorte de mercato pour le recrutement des interprètes les plus talentueux susceptibles d'attirer le plus grand nombre de spectateurs.

On a aussi oublié que l'ambiance dans les salles était loin du recueillement que nous pouvons connaître aujourd'hui. Il n'était pas rare de boire, de se restaurer ou de discuter pendant les spectacles. L'ambiance parfois houleuse des représentations était à l'image des conflit sociaux et politiques. Ainsi dans l'ouvrage : « Le grand Théâtre de Marseille » d'André Second on peut lire : « La venue du ténor Michot (suspecté de sympathie avec les communards de Paris) au Grand Théâtre donne lieu à un affrontement entre royaliste et républicains.../... Devant l'impuissance de la police, c'est l'armée qui du intervenir pour ramener le calme . »

La Nativité revisitée

La première « Pastorale » est écrite à la fin du 18ème siècle par l’abbé Thobert. Les pastorales sont inspirées des traditions locales en particulier des chants de Noël et des crèches vivantes. Il y a de nombreuses versions en Provençal ou en Français. Dans son livre publié en 1963, « Répertoire des pastorales provençales », Paul Nougier en dénombre deux cent cinquante. La plus célèbre, la Pastorale Maurel est créée au Théâtre Nau siège du Cercle catholique d’Ouvriers en 1844. Le théâtre Chave, de 1862 jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale, mettait une Pastorale à l’affiche entre le 25 décembre et le 2 février, en particulier celles d’Albéric Gauthier et d’André Bestagne et celle de Louis Foucard. Ce genre de la pastorale va être à l'origine de ceux de la Revue, puis des Opérettes marseillaises.2

Rue Saint-Ferréol, rue des arts

Idéalement situé dans le quartier des théâtres, cette artère a accueilli tout au long du XIXe siècle une intense activité artistique. Pendant que les music-halls se développaient sur la Canebière, on y trouvait nombre de librairies, galeries d'arts, les premiers studios photo des marchands d'art et de musique qui y organisaient des expositions et des concerts.

Plusieurs facteurs d'instruments de musique, en particulier de piano s'y installèrent. Il était de mise que ces entreprises possèdent dans leurs locaux des salles de concert plus ou moins importantes. C'est le cas du magasin Gébelin dont l’enseigne a brillé jusqu'en 2010 Bd Rabateau dans le 8eme arrondissement. Le magasin de la rue Saint-Ferréol avait un petite salle de concert mais avec une très bonne acoustique. Le plus important investissement est réalisé par les frère Boisselot qui ont succédé à Hugolin Pacquet luthier et marchand de pianos sis au 2 de la rue. Le magasin servait occasionnellement de salle de concert, mais Marseille méritait mieux. En 1846, les deux frères ouvrent au n°40-42 une magnifique salle de concert de 600 places, la salle Boisselot, richement décorée. Il s'y tient, outre les concerts, des conférences scientifiques, économiques ou littéraires. Elle abrite différentes sociétés artistiques et culturelles comme le Cercle musical. Cela dure 7 ans, mais trop couteuse la salle ferme en 1853 et aura été pendant 15 ans une sorte de grand bazar, jusqu'à ce que le Cercle Artistique dont il est question juste après s'y établisse de 1868 à 1878.3.

Au début du siècle suivant, plusieurs prestigieuses salles de cinéma ouvriront dans la rue

 

Dans la Famille Charles-Roux , le Grand Père

Après une première tentative éphémère en 1862 du Photographe Léon Vidal de regrouper diverses sociétés artistiques ou scientifiques dans une « Union des Arts » installée au 54 Allées de Meillan,

à la fin de 1866, sous l'impulsion de Jules Charles-Roux, un groupe de musiciens, auteurs, journalistes, peintres et amateurs d'art a commencé à se réunir dans l'atelier d'un photographe. C'est ce qui a donné naissance au Cercle Artistique de Marseille. Le succès de ces réunions est tel qu'il leur fallu rapidement trouver un local plus grand, puis se transporter dans un encore plus vaste rue Saint-Ferréol situé à l'emplacement des Galeries Lafayette aujourd'hui magasin Boulanger avec des locaux d'exposition et une salle de concert : la salle Boisselot. Regroupant plus de 1200 membres, le Cercle y organise des concerts, des expositions, des conférences scientifiques et littéraires. Enfin, il fait construire une salle de concert dans l'hôtel particulier devenu maintenant le Lycée Mongrant bâti pour Jean-André Roux de Corse qui avait fait fortune dans la traite des esclaves. Comme un précurseur de la décentralisation, le Cercle a été subventionné par l'Etat, le Département des Bouches-du-Rhône et la Ville de Marseille. Jusqu'au tout début du XXe siècle le Cercle organisera plus de 600 concerts de nombreuses expositions et conférence. Enfin, d'après le livre : «Souvenirs du passé» que publie Jules Charles-Roux en 1906, le Cercle apportera sa contribution à la première exposition coloniale en y organisant une exposition d'art provençal.

 

1: Grand parc d'attraction situé au Rond point du Prado de part et d'autre du Bd Michelet sur 13 hectares. On y trouvait un hippodrome, une salle de bal et de concert, des attractions foraines et même des corridas

2:http://www.musichall-marseille.fr/genresrub.php?genre=2,

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pastorale_proven%C3%A7ale

3 N°247 REVUE/MARSEILLE AU LONG DES RUES P 51

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Commentaires

Jany
il y a 5 jours

J’aime beaucoup l’idée que La Canebière a pu ressembler à Brodway!

philippe car
il y a 4 jours

Passionnant ! Vivement la suite !

Halimi
il y a 4 jours

Super resumé. Merci

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