
Une enfance de Vauban à Vauban en passant par le Racati.
Je commence ce récit assis à la table qui vient de chez mes parents, à la place que j’ai occupée de l’âge de 5 ans jusqu’à mes 23 ans lors de presque tous les repas pris à la maison.
C’est une petite table de cuisine, de 60 par 110 cm avec un tiroir pour les couverts sur le grand coté. Ma place était sur l’un des petits côtés, en face de mon père. Ma mère s’asseyait sur un grand coté entre nous, face au mur, côté cuisine avec un accès facile au tiroir à couvert et à la cuisinière derrière elle, où elle préparait la totalité des repas. Sur le mur, il y avait une petite étagère en verre avec « Le Poste Radio » seule source sonore de la maison.
Je suis né le 7 avril 1956 à la clinique Bouchard, en face du lycée où j’entrerai en 6e onze ans plus tard.
Sur une feuille manuscrite trouvée dans les affaires de ma mère, j’ai découvert que je pesais 3,3kg, que ma première dent a percé à 4 mois et que j’ai marché à 10 mois.
Je suis né pendant ce qu’il est convenu d’appeler le : « Désert culturel d’après-guerre à Marseille». Pourtant le music-hall de l’Alcazar n’avait pas encore fermé et un an plus tôt Jean Vilar avait créé le « Théâtre aux Etoiles » qui perdurera jusqu’en 1989. L’Opéra était dirigé par Michel Leduc qui développe le caractère éducatif du théâtre lyrique. Le théâtre du Gymnase fait concurrence à l’Alcazar, reçoit les tournées Parisiennes et les grands noms de la chanson : Barbara, Brel, Aznavour, Juliette Gréco, Dalida. Il existait une centaine de salles de cinéma dans les quartiers dont 30 en centre-ville. A Vauban, il y en avait 2 le Vauban et le Cinévox qui deviendra le cinéma d’art et d’essais le Breteuil.
Mon père, Philippe dit Loulou, après avoir suivi une formation de lithographe dans la foulée de mon grand-père imprimeur, s’était reconverti comme serrurier forgeron.
Ma mère avait arrêté de travailler comme secrétaire-comptable, au « Club du livre » rue Breteuil pour s’occuper de son foyer. Je me souviens qu’elle m’y a emmené pour me présenter à ses anciennes collègues.
Mes premiers souvenirs datent de l’époque où nous habitions le premier étage de la maison que mon père avait achetée au 14 de la rue de Crémone. Nous partagions ce premier étage avec mes grands-parents paternels.
Mon grand-père avait combattu à Verdun, Il en parlait souvent, des kilomètres qu’il avait été obligé de faire dans la neige, je crois qu’aujourd’hui on dirait qu’il était victime d’un choc post-traumatique.
Pendant cette grande guerre, ma grand-mère travaillait comme soudeuse dans une usine de fabrication d’obus.
Mon grand-père était imprimeur, typographe je crois, je ne l’ai connu que retraité et il nous a quittés quand j’avais 11 ans.
Nous faisions d’interminables parties de rami, il m’accompagnait au jardin, au Bois Sacré ou au petit square avec des jeux d’enfants situé là où la rue Jules Moulet fait un angle pour rejoindre le boulevard Notre Dame. Squares et jardins fréquentés aujourd’hui par mes petites filles.
Pour aller au bois sacré, parfois nous prenions le fameux ascenseur à eau qui franchissait les quelques 80 m de dénivelé de la colline de Notre Dame de la Garde par un astucieux système de contrepoids entre deux cabines munies de réservoirs qui étaient vidés et remplis alternativement et dont le mouvement était régulé par un système de poulies et de freinage installé dans la gare supérieure.
L’eau du réservoir de la cabine inférieure se vidait par un énorme tuyau dans une fosse située en dessous et cela me faisait une peur bleue, mais la montée qui suivait était assez magique, c’était presque un baptême de l’air.
Il m’emmenait aussi au Cinévox, boulevard Notre Dame. On allait voir des péplums, comme « Le Géant de la vallée des roi » et « La Vallée des pharaons ».
Quelques années plus tard, c’est devenu un cinéma d’Art et d’essais, le Breteuil. Le père de mon ami Bernard avait participé aux travaux de transformation et le patron du cinéma lui avait octroyé en remerciement un pass permanent pour deux personnes.
Avec Bernard, nous avons largement abusé de ce pass pour visionner des films improbables, je me souviens en particulier d’un film polonais : « La Clepsydre » pour lequel nous étions 2 dans la salle, mais aussi de « Rocky Horror Picture Show ».
Nous avons ensuite déménagé pour un appartement plus grand rue Lucien Rolmer.
C’était au début des années 60, je sais maintenant qu’il y avait la guerre que les Algériens appellent la guerre de France. Ma mère avait stocké au fond du buffet des pâtes, du sucre et des conserves. Je lui avais demandé pourquoi et elle m’avait répondu un truc du genre : « on ne sait jamais »
Nous sommes restés deux ou trois ans dans cet appartement, le temps de découvrir la neige en 1962, d’entrer à l’école maternelle du groupe scolaire Saint-Charles qui jouxte l’école élémentaire dans laquelle mes enfants poursuivront leur scolarité quelque 30 ans plus tard. Les écoles étaient au bout de la rue qui se terminait en impasse. Coté ville, il y avait un grand terrain vague où parfois des cirques venaient planter leurs chapiteaux.
J’avais très peur de ces grandes tentes à l’intérieur sombre et mystérieux. Aujourd’hui, à cet endroit il y a une grande trémie où arrive l’autoroute.
J’ai compris plus tard que nous habitions là car le premier étage partagé avec les grands parents de la maison de mon père à Vauban était devenu trop étroit. J’y dormais dans la chambre des parents, et le rez de jardin était loué à une famille qui refusait de partir. Finalement mon père a réussi à le récupérer en versant une certaine somme aux locataires. Puis il y a effectué des travaux pour rénover tout l’appartement, créer une salle de bain et une chambre pour moi.
J’ai suivi ma dernière année de maternelle dans l’école située à côté de l’église boulevard Vauban puis je suis allé à l’école élémentaire de garçons dont l’entrée se situe au milieu des grands escaliers du haut du boulevard. L’école maternelle est devenue un Centre d’animation de quartier et mon école élémentaire de garçons la maternelle du quartier ; c’est là qu’Hannah, une de mes petites filles, est entrée en septembre 2020.
Pour une raison très mystérieuse, je suis arrivé au cours préparatoire en sachant déjà lire et j’ai fait une scolarité élémentaire de 1er de la classe, j’en veux pour preuve les quelques 1er prix qui subsistent sur une étagère de ma bibliothèque.
Cela doit être à peu près à cette époque que j’ai assisté à mon premier spectacle dans une salle de théâtre. C’était la Pastorale Maurel au théâtre Nau qui n’existe plus aujourd’hui. Il a été démoli après une période de squat. C’est ma marraine, Jeannette, la sœur de mon père qui m’y a emmené. Je ne garde qu’un souvenir très vague mais pas désagréable de cette première expérience de spectateur.
Sur le chemin de l’école, je m’étais lié à deux commerçants, l’horloger de la rue Saint-François d’Assise et le marchand d’œufs de la rue des Antilles. Il mirait les œufs pour vérifier qu’ils n’étaient pas fécondés afin d’éviter à ses clientes de retrouver des poussins dans leurs omelettes.
Les années collège
Puis, ce fut la rentrée au collège en fait au Lycée Pierre Puget, car à l’époque les lycées d’enseignement général allaient de la 6eme à la terminale.
C’est là que je me suis frotté pour la première fois au théâtre côté scène, notre prof de français avait lancé le projet de monter une pièce, je ne sais plus laquelle. Je m’étais porté volontaire pour jouer un des rôles, mais l’idée de monter sur scène m’a terrifié et je me suis rétracté. Je me suis finalement retrouvé décorateur accessoiriste.
Au quartier, il y avait Ange, Ange était l’un des enfants d’une famille d’espagnols qui habitait la maison mitoyenne rue de Crémone. Plus jeune, il venait jouer avec moi au cow-boy et aux indiens dans le jardin de la maison devenue familiale.
A l’adolescence, grâce à sa belle gueule et un charme certain il gagnait son argent de poche en faisant de la figuration à l’opéra et à ce titre avait des invitations pour certains spectacles. C’est ainsi que j’ai assisté à mes premières représentations : la reprise du « Pink Floyd ballet »1 de Rolland Petit à l’Opéra, mais sans les Pink Floyd et Rufus au Gymnase.
Mais ma principale activité culturelle était la lecture, je suis passé de la littérature jeunesse genre Oui-Oui ou le club des cinq à la lecture des Bob Morane et Jules Vernes ce qui m’a conduit aux ouvrages de science-fiction. Mes moyens étant limités, je me suis inscrit à la bibliothèque municipale alors installée dans le Palais Carli au côté du conservatoire de musique. J’y ai dévoré tout le rayon de livres d’anticipation.
1: https://www.laprovence.com/article/edition-marseille/5082525/pink-floyd.html
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